Alors que l'été s'achève, toute la bonne société de Livourne est dans l'effervescence du départ : voici venu le moment de rejoindre les collines de Montenero. Liée à l'origine aux travaux des champs, la Villégiature est devenue une obligation mondaine : on s'y distrait, on s'y croise, on s'y toise, on s'y endette, on s'y ridiculise souvent. On y tombe parfois amoureux, comme la jeune Giacinta, soudain éprise de Guglielmo, alors qu'elle doit épouser Leonardo. Le temps de la Villégiature achevé, les protagonistes regagnent Livourne, désemparés et ruinés.En consacrant à ses personnages les trois volets d'une même comédie, Goldoni approfondit l'analyse de leurs caractères et s'affranchit des règles rigides du théâtre classique. Avec La Trilogie de la Villégiature (1761), il compose un véritable roman théâtral, qui ouvre vers la modernité.
Le titre de la pièce annonce, comme protagoniste, un personnage exceptionnel dans le théâtre et la société d'alors : celui d'une femme qui a un métier. Mirandoline est la propriétaire d'un « hôtel garni » (c'est ainsi que Goldoni traduit locanda dans ses Mémoires) à Florence dont elle est originaire. Son père, mort six mois plus tôt, sans héritier mâle, lui a légué l'hôtel, en lui faisant promettre d'épouser au plus vite, Fabrice, le fidèle valet. Promesse qu'elle n'a pas encore honorée au moment où la pièce commence. Les prétendants affluent. Elle s'efforce de conquérir le Chevalier, qui est le seul à ne pas lui faire la cour et tient même des propos méprisants à propos des femmes. Elle y parvient mais retourne finalement à l'homme que lui destinait son père: le valet Fabrice.
A Venise, Arlequin se retrouve serviteur de deux maîtres, amoureux et en quête l'un de l'autre, à la suite d'une invraisemblable série de quiproquos.
Truffaldino Son stuffo d'aspettar, che no posso più. Co sto me patron se manga poco, e quel poco el me lo fa suspirar... I alter subit che i arriva in qualche città, la prima cossa i va all'osteria. Lu ; sior no, el lassa i bauli in barca del corrier ; el va a far visite, e nol se recorda del povero servitor... Qua gh'è una locanda ; quasi quasi anderia a veder se ghe fuss da devertir el dente : ma se el padron me cerca ? So danno ; che l'abbia un poco de discrezion...
Truffaldin J'en ai assez d'attendre, je n'en peux plus. Avec ce patron-là, on mange peu, et ce peu, il me fait soupirer après... Les autres, sitôt qu'ils arrivent dans une ville, première chose, ils vont à l'auberge. Lui, non monsieur, il laisse les malles dans le coche d'eau, il va faire des visites, et il ne se souvient pas de son pauvre serviteur... Là il y a une auberge ; pour un peu j'irais voir si je trouvais de quoi m'amuser les dents ; mais si le patron me cherche ? Tant pis pour lui, il faut qu'il ait un peu de jugeote. Je veux y aller, mais quand j'y pense, il y a une autre petite difficulté, que j'oubliais ; je n'ai même pas le premier sou. Oh, pauvre Truffaldin ! Plutôt que de faire le serviteur, cornes du diable, je veux me mettre à faire... mais quoi ? Grâce au ciel, je ne sais rien faire.
Un des plus originaux et des plus grands auteurs comiques européens, Goldoni, devait figurer dans la Bibliothèque de la Pléiade. Le volume qui lui est consacré contient dix- huit pièces qui ont été choisies avec soin parmi les plus significatives et les plus représentatives des divers aspects de son talent, Le Valet de deux Maîtres, Le Café, La Locandiera, Les Amoureux, Les Rustres, la trilogie de La Villégiature, Barouf à Chioggia, L'Éventail, etc.
Selon toute vraisemblance, la pièce a été écrite à la demande de l'acteur Antonio Sacchi, connu pour l'excellence de son interprétation du rôle d'Arlequin. Goldoni travaillait alors comme avocat à Pise. Le sujet n'était pas nouveau, il faisait partie du répertoire de la commedia dell'arte traditionnelle, mais Goldoni, justement, essaya de surmonter le jeu artificiel auquel se livraient les troupes de l'époque. Goldoni admirait le réalisme des acteurs français et essaya de bannir les masques de ses pièces. Cette pièce montre bien la transition entre la vieille commedia, où l'improvisation l'emporte, et l'apparition de caractères plus nuancés.
Donna Eleonora, issue de l'aristocratie, mais complètement ruinée, survit a` Venise en compagnie de sa fidèle servante Colombine. Don Rodrigo, chevalier vénitien est fou d'amour pour elle, mais empêtré´ dans ses contradictions, n'arrive pas a` lui avouer ses sentiments. Autour d'elle gravite un petit monde de personnages peu recommandables : un avocat véreux et une assemblée de nobles oisifs et malveillants dont Donna Eleonora va devenir malgré´ elle, un trophée a` conquérir. La mort de son époux exile´ et l'intervention d'un riche marchand vont faire in extremis, pencher la balance en sa faveur. La création de Le Chevalier et la Dame a eu lieu le 6 octobre 2022 à la Maison/Nevers dans une mise en scène de Jean-Luc Revol avec Chloé Berthier, Olivier Breitman, Cécile Camp, Jean-Marie Cornille, Frédéric Chevaux, Antoine Cholet, Aurélien Houver, Ariane Pirie, Jean-Luc Revol, Vincent Talon et Sophie Tellier.
Les deux comédies qui se trouvent ici réunies sont parmi les plus originales du théâtre si divers de Goldoni.
Dans Le Café, pour la première fois, le dramaturge vénitien choisit de représenter, non pas <
Dans Les Amoureux, tout au contraire, Goldoni renoue avec l'étude de caractères. Il analyse avec finesse les rapports tumultueux de deux personnages victimes d'un amour qui les met au bord de gestes irrémédiables. Certes, la passion n'est pas absente de ses autres pièces, mais nulle part elle n'a cette importance paradoxale d'un amour partagé et néanmoins autodestructeur ; jamais encore des amants n'ont été, aux dépens de tous les autres personnages, les deux sujets principaux de la comédie.
Checchina doit épouser Beppo, son fiancé, mais un ragot lâché dans le plus grand secret : « la fille de Patron Toni est une bâtarde ! » se propage très vite de bouche de cousine en oreilles de voisines... Il sème le trouble et la discorde, et brise, un temps, les projets de mariage des deux amoureux...
La modernité de cette pièce, qui montre à l'oeuvre la puissance dévastatrice d'un cancan, est évidente.
Ne sommes-nous pas, et plus que jamais, grâce à la multiplication des médias et des réseaux sociaux, dans une société où le potin est roi ?...
Une rue de Londres vers 1750, un café, une librairie et, à l'étage, l'appartement d'un riche négociant... Le jeune Jacob, adepte de la philosophie des Lumières est le précepteur de milord Wambert et de madame de Brindè. Or Milord tombe amoureux de Madame, mais Madame aime en secret Jacob qui ne veut aimer que la paix de l'âme et du coeur afin de rester un homme d'étude. Ajoutons deux artisans qui se disent philosophes, mais savent user surtout de la calomnie, une épouse spirituelle amoureuse du jeu, un chevalier servant qui pratique la satire : toutes ces forces s'allient à la passion déçue du jeune lord pour mettre en péril la vie même de Jacob... Quelles autres forces sont invitées à sauver le jeune philosophe en qui s'incarne, en 1754, un Goldoni en butte à Venise à des factions rivales ?...
Loin de n'être qu'une ébauche, cette pièce - jusque-là inédite en français - précède de cinq ans (1756) la célèbre « trilogie de la villégiature ». Goldoni dépeint, de manière presque impressionniste, les activités quotidiennes d'un groupe de nobles dans une maison de campagne. On joue, on lit, on se promène, les messieurs courtisent les paysannes du domaine, tandis que les dames, flanquées de leurs chevaliers servants, disputent de courtoisie et de servitude amoureuse.
À Naples, au milieu du XVIIIe siècle, que se passe-t-il dans la maison de Pantalon, devenue le refuge des extravagances ? Contrairement à la tradition, Pantalon a quarante ans à peine, et il n'est pas marchand, mais homme d'affaires. Marié depuis dix ans à Eufemia, il en est toujours amoureux, il en est même très jaloux et la fait vivre presqu'enfermée. Mais il aime l'or, aussi, et en plus de ses affaires, il fait le changeur en trichant sur la valeur des pièces et le prêteur avec des taux usuriers. Or voilà qu'un jeune seigneur s'obstine à vouloir, selon la mode, « servir » Eufemia qui s'y refuse absolument... Telle est la comédie shakespearienne par laquelle s'ouvre en 1753, la troisième phase de la carrière théâtrale de Carlo Goldoni, le réformateur du théâtre italien
Carlo Goldoni (1707-1793), le « Molière italien », a écrit : « On ne peut nier que je sois né sous l'influence d'une étoile comique, puisque ma vie même a été une comédie. » Ses Mémoires, rédigés directement en français et publiés à Paris en 1787, relatent cette « comédie ». Son existence riche en épisodes picaresques fait entrer de plain-pied dans la folle et fascinante société vénitienne du XVIIIe siècle, puis à la cour de Louis XV et de Louis XVI. Homme curieux de tout, observateur avisé et malicieux, Goldoni évoque les coulisses des théâtres, les cabinets de diplomates ou les champs de bataille, pénètre chez les grands seigneurs comme chez les petites gens et rapporte, en passant, un entretien avec Vivaldi à Venise ou avec Rousseau à Paris.
une mi-février un peu frisquette sur un campiello, ou petite place, de la venise pauvre.
loin des palais et de la place saint-marc, loin des canaux et des gondoles, un jour de carnaval sans masques et sans confettis oú l'on travaille et oú l'on rêve, oú l'on se courtise et se bagarre, oú l'on rivalise et se fiance, oú l'on s'insulte et fait des projets, oú même on se marie : la belle lucietta épouse anzoletto le mercier ambulant et, par miracle, on fera la fête. car un jeune et noble voyageur napolitain, arrivé à venise pour y perdre ses derniers sous dans les plaisirs du carnaval, est descendu dans la modeste auberge de la place.
il aime se retrouver en compagnie, il découvre avec bonheur les gens du campiello, et c'est lui qu'anzoletto prend pour témoin, c'est lui qui paie à midi le repas de noce et même, à tous, une nuit de fête car lui aussi se marie. il épouse gasparina, une autre belle enfant du campiello : elle a de la naissance et un rien de dot, elle rêvait de grandeurs. le lendemain, le chevalier partira pour naples avec elle, mais il a mis pour dix ans sa prodigalité sous la tutelle de l'oncle de la belle.
le lendemain, la petite place reprendra le cours de sa vie ordinaire.
Dans un Avis au lecteur, Goldoni qualifiait le sort de la pièce, à laquelle il avait pourtant prédit un destin favorable, de « malheureux ». Elle n'avait pas eu le succès escompté. « Mais pourquoi donc ? », se demandait-il, et il donnait, avocat du diable, la réponse suivante : « Les caractères ne sont ni trop excessifs, ni trop appuyés, et ne sortent pas trop de l'ordinaire. » En même temps, Goldoni savait bien que cette réponse n'en était pas vraiment une, car son grand mérite réside justement dans l'abandon des caractères excessifs et des improbabilités d'intrigues de la commedia dell'arte d'antan. C'est d'ailleurs ce qui fait que ses pièces sont encore si intéressantes. En décrivant la complexité des rapports entre domestiques et maîtres, ainsi qu'à l'intérieur des différentes classes, il semble avoir anticipé les changements qui commencent à germer dans cette société de la seconde moitié du xviiie siècle, entre ceux qui possèdent et commandent, et ceux qui n'ont rien et doivent obéir.
Pour le personnage central de cette comédie de 1751 - traduite pour la première fois en français - Goldoni avoue dans ses Mémoires s'être inspiré de Teodora Medebach, une actrice de sa troupe. Cette grande comédienne était devenue insupportable. Perfide, l'auteur affirme qu'elle interprétait le rôle à la perfection.
Dans cette comédie, Goldoni fait l'éloge d'un étonnant personnage : beau parleur mondain, le « chevalier » sait aussi être un gestionnaire rigoureux. Aristocrate à la fortune modeste, il mène en secret des affaires commerciales. Amateur de femmes, il les séduit mais, paradoxalement, ne jouit que de leur compagnie.
C'est le spectacle de la « sociabilité », car c'est d'elle dont il est question dans ce dix-huitième siècle déchiré entre ses valeurs traditionnelles et l'émergence d'un nouveau mode de vie. Goldoni va jusqu'à nous en proposer une éthique très paradoxale : le « bon goût » de cet aristocrate bourgeois, égoïste généreux et jouisseur ascète !
« Certains de ceux qui ont vu sur la scène mon Honnête Aventurier, reconnaissant en lui diverses aventures qui m'étaient arrivées, ont cru que j'avais choisi ma propre personne pour sujet de comédie. (...) La patrie, le génie, les professions, les persécutions mêmes dont le pauvre Guglielmo est l'objet peuvent se retrouver facilement dans ma personne. (...) Mon aventurier obtient la main d'une veuve palermitaine, pourvue de dix mille écus de rente ; j'ai épousé, moi, une jeune personne née à Gênes et qui n'avait pas les richesses de donna Livia, à moins qu'on ne veuille mettre de bon droit en balance le riche patrimoine qu'elle m'a apporté : une sage économie, une pureté de moeurs exemplaire, une docilité inaltérable. » (Goldoni, Mémoires)
Cette Locandiera tient une pension à Florence. Sa grâce piquante et son esprit vif gagnent tous les coeurs masculins. Des 3 étrangers qu'elle loge, deux sont transis. Le troisième affirme son immunité face aux femmes et à leurs charmes. Il la traite grossièrement et se moque des deux prétendants. Offensée, Mirandolina met toute son ingéniosité au service de son amour-propre, pour démontrer au goujat sa suffisance et sa faiblesse.
Dans un quartier de Venise entre Rialto et la Place Saint-Marc, Siora Giulia la femme de l'orfèvre, sa nièce, sa filleule et son amie la femme du drapier, enragent car leurs hommes semblent n'avoir d'yeux que pour la belle veuve Siora Lugrezia et fréquentent même chez elle. Illusions et désillusions, disputes familiales et affronts publics, tout finit par s'arranger grâce au hasard du jeu et du loto qui permet à chacun de se renflouer et à Lugrezia d'être un peu moins contrainte à mener, pour rester libre, une vie d'expédients.