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Claude Esteban
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Par-delà les figures : écrits complets sur l'art, 1964-2006
Claude Esteban
- Atelier Contemporain
- 5 Avril 2024
- 9782850351464
Par l'art, et par la critique qui en déchiffre la portée spirituelle, «?tout, même ce mur grumeleux, cette faïence qui s'écaille, sera, est déjà, sauvé.?» Telle est l'espérance animant Claude Esteban dans ses Écrits sur l'art, qui s'échelonnent de 1964 à 2006 et sont pour la première fois rassemblés en un volume complet. Nombreuses sont les oeuvres qui ont tracé pour lui la voie d'une salvation au coeur du désastre, oeuvres que l'on découvrira ou redécouvrira sous un jour nouveau ici, celles notamment de Eduardo Chillida, Arpad Szenes, Velázquez ou Giorgio Morandi. Claude Esteban connaissait très bien l'art de son temps, lui qui a fondé et dirigé la revue Argile aux éditions Maeght, revue connue pour avoir publié, tout au long de son aventure entre 1973 et 1981, Yves Bonnefoy, Jacques Dupin ou Bernard Noël, pour avoir donné à lire en traduction française Anna Akhmatova, Ossip Mandelstam ou Octavio Paz, mais aussi pour s'être fait passeur des oeuvres de Geneviève Asse, Alberto Giacometti ou Luis Fernández. Mais il a aussi beaucoup écrit sur les artistes qu'il aimait. Sa prose poétique, d'une sobre élégance, à l'image d'une «?lumière sans mémoire?» selon sa propre expression, approche chaque fois, comme le note Pierre Vilar, «?le secret des secrets, désigné le plus souvent comme l'amande - du monde, du réel, de l'être en un seul mot?». Le poète que ses origines situent à la croisée des cultures espagnole et française se passionne pour les artistes qui, «?dans cette Europe en proie à ses phantasmes, au vertige d'une culture qui se perd parmi la foison des techniques?», tracent une voie singulière où l'on peut déceler une espérance discrète. Il a porté une attention ardente, par exemple, à la peinture de Giorgio Morandi, à ses énigmatiques natures mortes?: «?Voici proposées les formes les plus pauvres, celles qu'on ne regarde même plus. Morandi ne choisit pas, ou plutôt il a fixé définitivement son choix sur le plus insignifiant, le plus proche. Il sait que n'importe quel objet peut s'alourdir de présence si le regard s'y attache et lui accorde la durée.?» Lui-même n'aura cessé d'exercer une attention qui «?s'attache?» et «?accorde la durée?» aux artistes de son temps comme aux artistes classiques. On trouvera dans ce volume des textes consacrés à?: Fermín Aguayo, Pierre Alechinsky, Karel Appel, Arman, Nasser Assar, Geneviève Asse, Francis Bacon, Charles Baudelaire, Jean Bazaine, Simone Boisecq, Yves Bonnefoy, Georges Braque, Le Caravage, Sergio de Castro, Marc Chagall, Eduardo Chillida, Giorgio de Chirico, Jean Dubuffet, Paul Éluard, Denise Esteban, Luis Fernández, Joaquín Ferrer, François Fiedler, Jean Follain, Alberto Giacometti, Franscisco de Goya, Mercedes Gómez-Pablos, Le Greco, Stanley William Hayter, Edward Hopper, Horst Egon Kalinowski, Willem de Kooning, Wifredo Lam, Louis Le Brocquy, Claude Gellée dit Le Lorrain, André Malraux, Gilles Marrey, Henri Matisse, Henri Michaux, Giorgio Morandi, Bartolomé Esteban Murillo, Louise Nevelson, Pablo Palazuelo, Jean Paulhan, Octavio Paz, Pablo Picasso, Jean-Marie Queneau, Raquel, François-Auguste Ravier, Rembrandt Harmenszoon van Rijn, Jacques-Joachim-Jean Rigal, Georges Rouault, Pieter Jansz Saenredam, Joseph Sima, Brigitte Simon, Alfred Sisley, Árpád Szenes, Pierre Tal Coat, Titien, Raoul Ubac, Diego Velázquez, Maria Helena Vieira da Silva, Édouard Vuillard.
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J'avais une conscience exacerbée des deux idiomes entre lesquels il me fallait me partager ou plutôt me disjoindre. Mais cette conscience ne relevait pas de la grammaire particulière à l'une ou à l'autre langue, au vocabulaire, à la syntaxe qui les distinguait. Les difficultés dont j'étais conscient ressortissaient, manifestement, à un autre domaine que celui de l'appropriation matérielle, mécanique, d'une langue. Ce qui m'avait frappé lors de ma petite enfance m'apparaissait maintenant en toute clarté : à savoir qu'il est illusoire de penser qu'on maitrise véritablement un idiome lorsqu'on se contente de l'appréhender comme un processus de communication et d'échange. Quelque chose de plus subtil relie la saveur du monde et les signes. C.E.
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«Qui songerait, même au soir de la plus vive attente, à reconnaître dans ses mots un sillage de ce qui fut? À peine écrit, le jour appelle un autre jour et nous distance. Sur les pouvoirs de la parole, trop de soupçons, depuis longtemps, ont pesé. Il faut vivre avec eux. Mais le matin est là, l'heure nouvelle est urgente. À tous ces riens de l'air, à ces présences sans profil, il faut un corps qui les accueille, un nom aussi, par-delà tous les signes effacés.» Claude Esteban. Le jour à peine écrit ne se présente pas sous la forme d'une anthologie de poèmes épars. Le rassemblement ici proposé cherche à rendre compte, par de longues séquences, d'une trajectoire d'écriture qui se manifeste et se confirme à travers quatre livres majeurs de Claude Esteban, écrits entre 1967 et 1992:Terres, travaux du coeur, Le Nom et la Demeure, Élégie de la mort violente, Quelqu'un commence à parler dans une chambre. Le dernier recueil de Claude Esteban publié à ce jour, Morceaux de ciel, presque rien (Gallimard), a reçu le prix Goncourt/Poésie en 2001.
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Révérer la majesté du blanc, le non-dire qui est assurément le principe et la fin du dire, interrompre le silence de la blancheur par une sorte d'intrusion indiscrète, est-ce faire preuve de trop d'audace ? Mais c'est, en vérité, s'attacher à cela avec des mots qui savent que la nuit les environne, et qu'à peine écrits, ils ne sont déjà plus qu'une trace infime sur la neige qu'une autre neige va recouvrir.
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«Toi qui marches, qui ne veux pas voir descends, descends toujours jusqu'aux royaumes de l'infertile là tout un peuple bouge, ombres des pères que les fils bafouent, reines qui dansent dans leur délire et loin, très loin sur une falaise un homme qui regarde la mer et qui murmure, montagnes de l'écume, rendez-la-moi.» Claude Esteban.
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Qu'en est-il de ces formes - lignes, couleurs, volumes - qui soudain nous parlent une langue qui devient la nôtre, nous communiquent une force dont nous nous sentions dépourvus ? Je ne fais guère crédit au hasard, même s'il me faut admettre que la conjonction brusque des circonstances, l'espace et le temps conjugués en un lieu et une minute, peuvent décider parfois d'un destin.
Il en va des images comme des êtres de chair et de sang, hier encore ignorés de nous et que nous reconnaissons tout à coup, comme si depuis toujours une sorte d'attraction sidérale nous orientait infailliblement vers eux. Il ne nous appartient pas davantage d'en précipiter le cours, car l'instant qui en décide n'est pas inscrit au cadran de nos horloges, mais dans la lente maturation de nos existences, dans leurs énigmes aussi, leurs échecs.
Et peut-être que La Vocation de saint Matthieu, une toile peinte voilà quatre siècles par l'immense artiste que fut Caravage, m'attendait en effet, sans que je le sache, à ce moment de ma vie.
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Avais-je écrit ces livres, avaient-ils eu quelque audience, ces questions me semblaient oiseuses, elles appartenaient à quelqu'un que je n'étais plus et tout mon passé se présentait aux yeux de ma mémoire comme une surface lisse, monotone, étrangère à ce que j'étais devenu.
Je n'avais pas à faire l'effort de rameuter mes souvenirs, ils se détachaient de moi comme une matière inerte, un agrégat d'épisodes insignifiants que je regardais s'effondrer, sans que j'en déplore la perte, sans remords, sans sursaut d'orgueil. J'en éprouvais, au fort de ma douleur physique, comme un allégement intellectuel, fallacieux sans doute, mais il me plaisait de penser que cette expérience était close et que je serais capable de vivre, si la chance m'en était donnée, sans plus écrire jamais.
Mais quelque génie tenace veillait encore sur moi, puisqu'aujourd'hui, en ce moment même, je livre ces observations dans des mots qui me sont accordés, telle une offrande de l'imprévisible. C.E.
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Ce livre s'articule autour du travail de traduction de dix auteurs et poètes (Luis de Góngora, Francisco de Quevedo, Juan Ramon Jiménez, Nicolas Guillén, Vicente Aleixandre, César Vallejo, Octavio Paz, Alejandra Pizarnik, Fernando Pessoa, Pere Gimferrer). Mais, nous prévient Claude Esteban en conclusion d'une longue introduction en forme de méditation sur le travail du traducteur : « On écrit avec son désir, on ne traduit que ses propres manques. »
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«Tout le monde, ou presque, a lu L'Idiot, Le Bruit et la Fureur, Journal d'un curé de campagne... mais peut-être ces pages que l'on a découvertes avec passion sont-elles aussi celles dont on oubliera quasiment tout, l'intrigue, l'imprévu des situations, en vérité la matière proprement romanesque à laquelle l'auteur, semble-t-il, s'était attaché, et qui nous apparaissait comme un espace aux perspectives inouïes. On déchiffre, ligne à ligne, une sorte de chronique qui nous entraîne et nous déconcerte, puis, sitôt le livre refermé, lorsque la mémoire a fait son travail réducteur, ne demeurent de tout cela que quelques rencontres fugitives, parfois même un geste, la dernière apparition d'un personnage avant que tout s'efface dans la nuit. On a voulu ici, autour de sept livres, suivre sans trop de retouches ces parcours à demi provoqués du souvenir.»
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Réunit cinq études consacrées à Stéphane Mallarmé, Pierre Reverdy, René Char, André du Bouchet, Jacques Dupin et deux études sur la traduction littéraire.
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On peut considérer ce livre comme le poème-testament, ou le testament poétique, de Claude Esteban. C'est un poème terrible et magnifique, écrit avant, pendant et après son hospitalisation - juste avant sa mort. L'important n'est pas ici sa construction parfaite en cinq parties, faisant alterner des récits en vers minimalistes avec des poèmes courts ou des proses poétiques, ni sa langue épurée et musicale ; c'est l'extrême lucidité de l'auteur devant la mort qui vient et le bilan sensible qu'il tire de cette expérience. S'il tente encore de mettre la mort à distance, c'est maintenant sans illusions, en la regardant bien en face et dans un poème débarrassé du souci de plaire ou d'être à la mode, dans un poème vital, vivant. Car Claude Esteban y mesure sa vie à l'aune de la douleur, de l'angoisse, du néant. D'un coup, les êtres, les choses, les mots acquièrent un autre poids, celui du réel et de la vérité.
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De Hölderlin à Octavio Paz, l'auteur s'attache à des itinéraires poétiques remarquables par leur modernité et leur souci d'une poésie temporelle et enracinée.
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Conjoncture du corps et du jardin - suivi de cosmogonie
Claude Esteban
- Flammarion
- 8 Janvier 1992
- 9782080644800
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