"Nous pensons d'abord qu'il faut changer le monde. Nous voulons le changement le plus libérateur de la société et de la vie où nous nous trouvons enfermés. Nous savons que ce changement est possible par des actions appropriées. " Par ces mots prononcés en 1957, Guy Debord fonde l'Internationale situationniste.
Né à Paris en 1931, Guy Debord a écrit La Société du spectacle et réalisé des films. Il a dirigé la revue de l'IS.
« Poésie, etc. » rassemble un ensemble de citations choisies par Guy Debord, dont les auteurs ne sont parfois aucunement des poètes.
Mais elles se caractérisent toutes par un regard lyrique sur l'existence, et une concision qui les font accéder avec plus d'intensité et d'immédiateté au coeur de ce qui nous bouleverse.
L'importance de la poésie et de la littérature dans les lectures de Guy Debord apparaît très tôt et ne se démentira jamais tout au long de son oeuvre. On y croisera entre autres, cités ou détournés, Baudelaire, Bossuet, Joyce, Pessoa, Shakespeare, Swift, Ronsard, Apollinaire, Breton, Villon, Éluard, Lautréamont, Cravan... Le recours à ces références donne à son travail de critique sociale une immense force de frappe, car directement et indissolublement lié à ce qui touche le plus intimement l'être humain.
L'utilisation du langage poétique est en effet toujours associé, chez Debord, au projet révolutionnaire qu'il nourrit. Pour lui, cependant, « il ne s'agit pas de mettre la poésie au service de la révolution, mais bien de mettre la révolution au service de la poésie », afin d'en assurer le renouveau, la pénétration dans la vie quotidienne - en un mot :
La réalisation -, et d'abolir ainsi la séparation entre la poésie et la vie vécue.
Toute ma vie, je n'ai vu que des temps troublés, d'extrêmes déchirements dans la société, et d'immenses destructions ; j'ai pris part à ces troubles.
De telles circonstances suffiraient sans doute à empêcher le plus transparent de mes actes ou de mes raisonnements d'être jamais approuvé universellement. mais en outre plusieurs d'entre eux, je le crois bien, peuvent avoir été mal compris. (. ) personne, mieux que shakespeare, n'a su comment se passe la vie. il estime que " nous sommes tissés de l'étoffe dont sont faits les rêves ". calderon concluait de même.
Je suis au moins assuré d'avoir réussi, par ce qui précède, à transmettre des éléments qui suffiront à faire très justement comprendre, sans que puisse demeurer aucune sorte de mystère ou d'illusion, tout ce que je suis. ici l'auteur arrête son histoire véritable : pardonnez-lui ses fautes.
Nous avons regroupé trois textes autonomes de Guy Debord, dont deux firent l'objet d'un tirage à part et dont le premier, ici, fut rédigé en 1971 pour paraître dans le treizième numéro de la revue de l'Internationale situationniste avant sa dissolution.Malgré la diversité apparente des sujets analysés:les émeutes de Watts (dans Le déclin et la chute de l'économie spectaculaire-marchande en 1966), la décomposition des pouvoirs bureaucratiques et de leur idéologie (dans Le point d'explosion de l'idéologie en Chine, en août 1967) et, enfin, le thème de la pollution et de sa représentation (dans La planète malade, inédit de 1971), c'est du «spectacle» sous toutes ses formes et de ce qu'il engendre dont il s'agit.Donnés avec la date de leur rédaction, ces trois textes témoignent non seulement de leur pertinence mais encore de leur actualité.
«L'assassinat de Gérard Lebovici, avec le déchaînement des accusations contre moi que l'événement aura instantanément entraînées, date de 1984. À la fin de l'année, j'ai rassemblé et examiné les attaques, dans ces Considérations qui furent publiées aux premiers jours de 1985. La suite a bien confirmé le sens que l'opération paraissait avoir. Jamais plus, on ne se sera aventuré à juger quelque autre éventuel responsable du crime. Les employés médiatiques ayant servi là n'eurent plus qu'à se taire sur cette question qui les avait tant émus; comme si leur propre conduite n'avait été que normale. Quant à la critique qui persiste, on ne sait trop pourquoi, à s'intéresser à mon néfaste destin, elle s'est vue modernisée deux ou trois ans plus tard. Désormais, pour me faire une mauvaise réputation, elle va accumuler, sur chaque sujet, les dénonciations péremptoires. Spécialistes homologués par des autorités inconnues, ou simples supplétifs, les experts révèlent et commentent de très haut toutes mes sottes erreurs, détestables talents, grandes infamies, mauvaises intentions. (J'en montrerai prochainement d'instructifs exemples).» Guy Debord.
«Spécialistes homologués par des autorités inconnues, ou simples supplétifs, les experts révèlent et commentent de très haut toutes mes sottes erreurs, détestables talents, grandes infamies, mauvaises intentions...»
" J'ai du reste ajouté, en leur temps d'autres observations touchant les plus remarquables nouveautés que le cours ultérieur du même processus devait faire apparaître. En 1979, à l'occasion d'une préface destinée à une nouvelle traduction italienne, j'ai traité des transformations effectives dans la nature même de la production industrielle, comme dans les techniques de gouvernement, que commençait à autoriser l'emploi de la force spectaculaire. En 1988, les Commentaires sur la Société du Spectacle ont nettement établi que la précédente " division mondiale des tâches spectaculaires ", entre les règnes rivaux du " spectaculaire concentré " et du " spectaculaire diffus ", avait désormais pris fin an profit de leur fusion dans la forme commune du " spectaculaire intégré ".(...) C'est cette volonté de modernisation et d'unification du spectacle, liée à tous les autres aspects de la simplification de la société, qui a conduit en 1989 la bureaucratie russe à se convertir soudain, comme un seul homme, à la présente idéologie de la démocratie : c'est-à-dire la liberté dictatoriale du Marché, tempérée par la reconnaissance des Droits de l'homme spectateur. (...) En 1991, les premiers effets de la modernisation ont paru avec la dissolution complète de la Russie. Là s'exprime, plus franchement encore qu'en Occident, le résultat désastreux de l'évolution générale de l'économie. Le désordre n'en est que la conséquence. Partout se posera la même redoutable question, celle qui hante le monde depuis deux siècles : comment faire travailler les pauvres, là où l'illusion a déçu, et où la force s'est défaite ? "
Le tome second contient une série de preuves iconographiques.
Les tromperies dominantes de l'époque sont en passe de faire oublier que la vérité peut se voir aussi dans les images. L'image qui n'a pas été intentionnellement séparée de sa signification ajoute beaucoup de précision et de certitude au savoir. Personne n'en a douté avant les très récentes années. Je me propose de le rappeler maintenant. L'illustration authentique éclaire le discours vrai, comme une proposition subordonnée qui n'est ni incompatible ni pléonastique.
En 1988, guy debord fait paraître ses retentissants commentaires sur la société du spectacle, où les " quelques conséquences pratiques, encore peu connues, qui résultent de ce déploiement rapide du spectacle durant les vingt dernières années " viendront confirmer ses thèses de 1967, en disant " ce qui est ".
De façon similaire, sa correspondance - qui avec ce volume arrive à son terme - montre, durant les sept années qui vont lui rester à vivre, que face à une nouvelle forme de notoriété il continue de juger et d'agir selon ce qu'il est. il décidera, le 30 novembre 1994, de franchir, à l'heure choisie, sa propre ligne d'arrivée ; comme il avait décrété que l'année 1951 devait être celle de son véritable point de départ.
Car " la suite était déjà contenue dans le commencement de ce voyage ".
C'est en 1979 que Guy Debord décide, une première fois, de quitter un Paris qui à ses yeux avait, depuis longtemps déjà, tout perdu de son charme.
Si le siège de l'état-major s'est déplacé, l'état de guerre, pour lui, reste permanent : depuis la situation en Italie, dont il donne une analyse lucide dans sa Préface à la quatrième édition italienne de « La Société du spectacle », à celle de l'Espagne de l'après-franquisme, qui le conduit à mener campagne en faveur des « autonomes » emprisonnés à Ségovie, le tout entrecoupé de « jours tranquilles » passés ici ou là, durant lesquels conseils, traductions et publications se succèdent.
Le 5 mars 1984, le mystérieux assassinat de son ami éditeur le pousse dans un nouveau type de combat, cette fois contre une presse particulièrement déchaînée et hostile où, écrivait-il à son défenseur dès le 30 mars : « l'on me présente comme un hors-la-loi systématique qui ne peut évidemment , en aucune circonstance, et même pas provisoirement, placer une « confiance quelconque. dans les institutions judiciaire ». Ceci implique en effet que je devrais être exclu de toute protection des lois qui règnent actuellement, puisque la plupart existent contre mon opinion. [...] A l'avenir, on ne sera plus « surpris » que je puisse attaquer des calomnies journalistiques ; et l'existence de cette nouvelle « arme de dissuasion » évitera sûrement bien des imprudences de plume ».
De ces années pleines de bruit et de fureur en tout genre, beaucoup de choses vont être retenues et analysées qui alimenteront les prochains Commentaires sur la société du spectacle.
On devrait déjà entrevoir ici quelques-uns de ses pronostics, dans la mesure où le permettait alors une correspondance que tant d'événements lourds de conséquences obligeaient de toute évidence à une certaine circonspection.
Comme annoncé dès le début de leur publication, ce dernier volume (augmenté d'un index des noms cités) - qui va de 1951 à la fondation de l'Internationale situationniste en 1957 - précède chronologiquement les sept volumes déjà publiés de la Correspondance de Guy Debord.Ont été regroupés, en annexe, des rectificatifs, mais principalement de nombreuses "lettres retrouvées" - le plus souvent d'ailleurs auprès de leurs propres destinataires ou ayants droit. Toutefois, malgré les lacunes particulièrement regrettables au regard des années 50, rien, semblerait-il, n'est tout à fait à désespérer.En effet, l'État français, qui s'est, depuis 2009, porté acquéreur de l'ensemble des « Archives Guy Debord », - le bruit qu'on en a fait est pour nous plaire : car la gloire est un scandale - les a, de surcroît, classées au rang exceptionnel de Trésor national.