Celle que l'on surnommait dans la presse «Mère Nikki», brillante avocate, représentante ultra-charismatique des exclus, des miséreux, de tous les déclassés, luttant sans relâche contre les expulsions et le mal-logement, la légendaire Nikki Delage est aujourd'hui une femme déchue. On avait loué le parcours et la formidable ascension sociale de cette fille d'ouvrier et petite-fille d'un héros de l'Indépendance algérienne. Mais l'icône populaire a menti.
Elle est la fille unique d'un riche industriel bordelais, le produit de l'élite française. Un article publié et l'édifice s'effondre : Nikki Delage est condamnée, bannie. Pourtant, deux femmes décident de partir retrouver cette héroïne d'hier dans la maison où elle vit en recluse, entourée de mystères. Elles veulent l'interroger, elle et ses proches, pour préparer un film qui irait au-delà des apparences.
Dans une langue d'une éblouissante limpidité, Samira Sedira, navigue entre les secrets et les vérités de chacune de ses héroïnes et questionne notre rapport à l'identité dans un monde de mise en scène et de représentation.
Lorsque les Langlois arrivent à Carmac, ce village perdu dans une vallée montagneuse où tout le monde se connaît et se ressemble, ils font l'effet d'une apparition. Des gens comme eux, aussi riches, aussi heureux, on n'en fréquente pas. Ils se font construire un chalet impressionnant, face à la maison modeste d'Anna et de Constant. Entre les deux couples se noue une relation ambiguë, faite de fascination, de gêne, bientôt de jalousie, peut-être de racisme. Car Bakary Langlois est noir. Rien, toutefois, qui laisse imaginer que Constant puisse en venir à assassiner toute une famille.
Dans ce roman inspiré d'un fait divers, Samira Sedira nous fait entendre la femme de l'assassin, cette Anna qui porte l'opprobre de n'avoir rien deviné, rien empêché. Lors du procès, elle tente de comprendre la mécanique infernale qui a mené Constant, son amour de toujours, à une telle folie meurtrière, explorant aussi l'enfermement d'une petite communauté villageoise vivant en huis clos où l'autre - par sa condition sociale, sa couleur de peau, son appétit de vivre - subjugue et dérange... jusqu'au meurtre.
Amis d'enfance, Cesare et Adel se sont engagés ensemble dans l'armée après le bac. Un an plus tard, ils attendent le combat dans le désert koweitien, lors de la première Guerre du Golfe (1990-91). Très vite, Adel, d'origine maghrébine, devient le souffre-douleur de son régiment, et finit par se suicider. A son retour, Cesare en porte longtemps la culpabilité. Une nouvelle fois, Samira Sedira explore le destin douloureux d'un enfant de l'immigration maghrébine, avec pertinence et originalité.
À 45 ans, Majda se réfugie chez ses vieux parents d'origine immigrée, après un séjour en hôpital psychiatrique. Fille aînée d'une fratrie de sept enfants, la seule à avoir fait des études universitaires, elle aurait dû pourtant s'élever dans l'échelle sociale. Durant le mois d'août, alors qu'elle reste confinée dans le petit appartement familial d'une cité du Var, on revisite avec elle les non-dits familiaux, notamment le drame vécu dans son adolescence.
Comédienne dans les plus grands théâtres publics, Samira Sedira se retrouve à 44 ans en fins de droit, faute d'engagements, et obligée de faire des ménages pour survivre. Fille de travailleurs immigrés algériens, elle est alors renvoyée brutalement à ses origines sociales, elle qui croyait s'en être échappée.
Dans ce journal du désenchantement, elle croise les fils de sa mémoire familiale, son quotidien de bonne à tout faire et son amour pour le monde du théâtre. Des ombres à la lumière, un premier « roman » très fort.
Pour cette neuvième édition des Intrépides, six autrices issues du monde des lettres et du spectacle ont composé chacune une pièce courte autour du thème : « dialogue(s) ». Le dialogue avec la mère, l'amie, l'inconnue, le fils ou l'amant, est nourri de souvenirs, de chansons, d'amour, ou réinventé a posteriori. Tendre, drôle, douloureux, intense, impossible, il peut revenir comme un écho et rythmer une vie comme un refrain, en être le point d'ancrage. Les dialogues donnent un sens au chaos de l'existence. La création de Dialogue(s) a eu lieu le 24 avril 2023 au Théâtre 14 (Paris), dans une mise en espace de Léna Bréban, avec une composition musicale de Claire Diterzi, et interprété par les autrices.