Qui a tué le roi Hamlet ? Sa veuve, la reine Gertrude ? Son frère Claudius, devenu roi en épousant la veuve ? Le jeune prince Hamlet, visité par le fantôme de son père, les soupçonne tous deux... "Il est admis par tous qu'Hamlet est plus vivant qu'un homme qui passe." Alfred Jarry.
4 h 18 du mat'.
7 paires d'yeux écarquillées, incapables de dormir.
Jemma. Esther. Alicia. Pete. Bradley. Zoé. Pious 7 âmes vidées, 7 coeurs brisés, sous le ciel grondant de Londres, en plein cauchemar éveillé.
7 îlots de solitude en proie à l'anxiété voient leur vie défiler à un tempo effréné.
Dans ce poème urbain, qui rappelle les rythmes, syncopes et la narration épique des Nouveaux Anciens, Kae Tempest reflète la misère de ses contemporains, engoncés dans leur vie et assoiffés d'étourdissements. Des nouveaux quartiers huppés de la capitale aux rives désenchantées de nos cerveaux aliénés, sous acide et sous pression, elle raconte les injonctions à la consommation effrénée, les atermoiements d'une génération désenchantée qui cherche dans l'épuisement des échappatoires à la vitesse, l'oubli des guerres et des violences, pillages pour assouvir nos désirs de possession et de puissance.
Écrits à 15 ans d'intervalle, Femme non rééducable (Mémorandum théâtral pour Anna Politkovskaïa), en 2007, et Bunker Kiev, en 2023, sont des récits de dissidence et de quête de liberté, là où la parole est muselée. Ils racontent le quotidien de la violence et de la peur exercée par la Russie sur les territoires de l'ex-URSS.
À Grozny, la guerre est officiellement finie, mais derrière les mitraillettes et les chars, la Russie est toujours là. Femme non rééducable raconte le conflit tchéchène, au fil de témoignages recueillis sur le terrain par la journaliste russe, Anna Politkovskaïa. Qualifiée de « non rééducable » par l'Etat-major russe, elle vit sous la menace constante pour ses activités dissidentes. En octobre 2006, elle est retrouvée assassinée dans la cage d'escalier de son immeuble. Sans pathos ni complaisance, ce récit documentaire est un montage de six années de notes, d'articles, d'interviews, des « révélations, confessions, dénonciations, lettres, le tout réécrit dans un style au rasoir, pour mettre en relief le contenu. Objectiver. Nettoyer. Sectionner. Enlever. Enlever. Enlever. Tout le reste est silence. » Bunker Kiev a été écrit en février 2023, à l'occasion du premier anniversaire du début de la guerre en Ukraine, sur la base de témoignages, dans des articles de journaux ou des vidéos, des messages sur les réseaux sociaux ou les blogs. Dans Bunker Kiev, l'esprit embourbé par la peur de la mort ressasse. Qui est-on, lorsqu'on se retrouve enfermé.e avec 29 autres personnes dans l'un des 4984 bunkers de la ville ?
Qui est avec nous, qui va craquer ? Où se trouvent nos proches ? Sont-ils restés dehors, pour affronter la mort en face ? Une plongée asphyxiante dans le noir. Avec effroi et lucidité, la langue de Massini se déploie avec une concision radicale et une rapidité inouïe, souvent proche de l'asphyxie. Qu'est-ce que l'humanité réduite aux peurs les plus ancestrales et aux simples réflexes de survie ?
« Une bonne histoire, aujourd'hui encore, c'est souvent l'histoire d'un mec qui fait des trucs. Et si ça peut être un peu violent, si ça peut inclure de la viande, une carabine et des lances, c'est mieux... » Mais quelle place accorde-t-on dans ces histoires aux personnages féminins et à la représentation de leur corps ? Alice Zeniter déconstruit le modèle du héros et révèle la manière dont on façonne les grands récits depuis l'Antiquité. De la littérature au discours politique, elle nous raconte avec humour et lucidité les rouages de la fabrique des histoires et le pouvoir de la fiction.
Il y a des choses à dire, quand on parle de son corps. C'est-à-dire, à partir de son corps : quand l'écriture est dans la peau, quand écrire, c'est s'arracher les mots à soi-même. Ce livre part de l'urgence de dire ce qui gratte, ce qui dérange, ce qui ronge. Rébecca Chaillon écrit son retour à la Martinique, ses interrogations intimes, amoureuses, militantes et alimentaires, la destruction et la reconstruction successives des imaginaires. Passant par une langue poétique et politique, elle décrit les effets de la colonisation sur les afrodescendants - en mettant en lumière les espaces occupées par chacun et chacune autour d'un même sujet.
Comment se construisent nos désirs sous les injonctions ? Comment se réapproprier nos corps, nos identités dédoubleés, nos héritages détruits ? Avec ce texte riche ou la poésie rencontre l'insomnie, Rébecca Chaillon prend son corps comme matrice nourricière pour faire advenir un sujet libre des normes. Les impensés coloniaux sont mis au jour - ou plutôt, le refoulé raciste et capitaliste français est donné à voirdans son omniprésence mortifère.
Ample fresque historique embrassant mythologie et monde contemporain, Fille d'Amanitore dépeint l'articulation de la beauté et la brutalité propre au monde des humains, au travers de récits de vie de femmes d'aujourd'hui, filles et mères, en des mondes où se mêlent demeure ancestrale des divinités, terre des humains et le no man's land d'Amanitore, la candace à la mémoire oubliée. Léonora Miano invite à repenser le fondement divin du désir, réinterroge la puissance de la filiation féminine, et le poids des non-dits dans la transmission mère-fille. Et que mon règne arrive est une exhortation à la reconquête de leurs mémoires et leur par des femmes subsahariennes, pour les affranchir du discours bien-pensant de la « sororité planétaire », autre leurre du féminisme européocentré. Dans cette proposition pour affranchir la femme subsaharienne de toute forme de domination, coloniale et masculine, Léonora Miano l'inviter à habiter ses spiritualités, et orchestre le règne du féminin dans le monde par la voie africaine.
Honte et malédiction sur le royaume de Grande-Bretagne! Folie, trahison, mensonge, cupidité, orgueil démesuré! Tous les vices y grouillent comme autant de rats affamés. Tous les crimes s'y préparent...
Lear a voulu savoir! Ô! Roi, ta sagesse n'a pas grandi au fil des années... Hélas! Vanité stupide, insolence coupable, curiosité funeste: tu as voulu savoir et provoquer les dieux.
La fille féroce enfonce ses crocs; l'autre se prépare à la curée; le fils, contre son frère, trame la ruine du père, la soeur contre la soeur, l'épouse contre l'époux. La bouche déchire la main qui l'a nourrie, dépèce le flanc qui l'a portée, vomit l'amour qui l'a élevée. Ô, Lear, seigneur infortuné, tu sauras donc de tes filles laquelle t'aimait le mieux...
antigone nous parlerait de la résistance courageuse d'une jeune fille contre la machine broyeuse de l'etat, incarné par créon.
il défendrait les valeurs de la cité, elle défendrait les valeurs de la religion. antigone est sympathique parce qu'elle aurait le courage de se révolter, créon est antipathique parce qu'il aurait le pouvoir d'etat. mais on peut inverser les sympathies : antigone est une intégriste, une fanatique de la religion des morts, à qui sa naissance souillée - elle est née d'un inceste - interdit tout avenir.
face à elle, un créon nationaliste, un militaire à poigne, veut imposer un etat " laïque ". l'histoire permet surtout à deux grandes voix de s'affronter musicalement. l'une en chantant son propre deuil de jeune fille n'ayant jamais eu d'enfant, l'autre le suicide de son fils et de sa femme, morts par sa faute. lequel est le plus malheureux ? lequel des deux entraînera le choeur dans son chant et sa douleur ? tel est peut-être l'enjeu d'une tragédie qui est d'abord, comme toute tragédie, une suite de choeurs offerts à dionysos.
la traduction de florence dupont est philologiquement exacte et d'une limpidité parfaite. plus rien de ce côté fumeux qui caractérise trop de traductions classiques.
Qui sont-elles, ces femmes mineures enferme´es sous le contro^le de l'E´tat dans un centre e´ducatif en 2023 ou sous le contro^le de l'E´glise dans un internat du Bon Pasteur en 1957 ? Sara, 15 ans et demi ; Vanessa, 14 ans ; Cindy, 16 ans ; Dakota, 13 ans et demi ; Gise`le, 18 ans. Dans Mauvais genre, Sonia Chiambretto raconte la re´pression spe´cifique qui s'exerce sur les jeunes femmes, le poids de la morale sexuelle et de la repentance attendue. Elle entremêle des récits, des confessions, des règlements administratifs, des paroles sous came´ras de surveillance ou des voix intérieures libres de toute injonction. « De´linquantes », c'est l'institution qui le dit. Et elles, que font-elles ? Elles re^vent. Elles courent. Elles volent. Elles refusent de signer. Les enceintes sont e´paisses, il faut les couper du monde. Mais on finit toujours par trouver un trou dans la haie.
21 grands noms de la scène poétique francophone se racontent. Ces lettres racontent leur parcours, leur intimité, leur place dans la société des lettres. Dans ces billets, mots d'humeur, mots d'ordre pour un nouvel ordre du monde, elles prennent le contre-pied d'un lyrisme classique. La femme n'est pas (seulement) Muse, mais Poète, Musicienne, Inspiratrice, Agente de son propre désir. Poésie verticale et adressée, ces lettres racontent les combats, les dialogues et les rencontres qui font de l'écriture une matière politique. Une chair à vif, une matière spirituelle inflammable, une sensualité sans contraintes. Dotées d'une virulence poétique radicale et troublante, ces lettres racontent une soif de partage, un désir de transmission, un rêve de l'autre, l'histoire d'une reconquête de soi.s.
Chef minable d'une bande de gangsters du Bronx, Arturo Ui parvient à s'imposer par la terreur comme « protecteur » du trust du chou-fleur à Chicago. Il réduit au silence un politicien corrompu, Hindsborough, fait éliminer par Gori et Gobbola, ses séides, un homme de main à lui, assassine le patron du trust des légumes de Cicero, la ville voisine, et séduit la veuve de celui-ci, quasiment sur le cercueil de la victime. Le résultat est que l'on vote partout pour lui, tant à Cicero qu'à Chicago. D'autres crimes et d'autres conquêtes suivront. Rien n'arrêtera Arturo Ui, hormis les peuples, qui finiront par en avoir raison. « Mais il ne faut pas nous chanter victoire, il est encore trop tôt : le ventre est encore fécond, d'où a surgi la bête immonde. »
Ample fresque historique à travers le XXe siècle, Cocoaïans raconte l'histoire du chocolat et de la dépendance du monde à la poudre de cacao.
De la fève au produit transformé, la culture et le commerce du cacao traduisent les rapports de domination imposés par l'Occident aux pays producteurs d'Afrique. Entre les champs de cacaoyers et les tablettes de chocolat des groupes industriels se croisent traditions, mondialisation et néocolonialisme. À partir de la Côte d'Ivoire, de la forêt de Gbaka à Treichville, de 1908 à 2031, Gauz' raconte le projet des Cocoaïans, les habitants de Cocoaland pour s'émanciper des processus d'exploitation capitaliste.
Cocoaïans se déploie à plusieurs voix et nous entraîne sur les traces de ceux et celles qui durent transformer leur pays sous la pression des colons, des trahisons et des compromissions, et de l'influence décisive du socialisme au sein même de ces rapports de force. Gauz' lance l'idée d'une Afrique qui se réapproprierait le produit de son travail et ses moyens de production, pour se libérer de l'aliénation induite par le capitalisme post-colonial.
Dans ce recueil, Kae Tempest déploie une nouvelle traversée poétique de l'être humain, suivant le mythe de Tiresias, le prophète aveugle transformé par Héra.
Un jeune garçon, baskets aux pieds et écouteurs sur les oreilles, se promène en forêt un matin et délace d'un coup de bâton l'union d'un couple de serpents. Pour le punir de son acte, Héra le transforme en femme. C'est ainsi que débute son errance sublime d'être en être, se délestant de sa peau pour une renaissance à soi. Ce conte contemporain, sensuel et hypnotique, emprunte les sentiers des forêts antiques où se rencontrent des êtres non binaires, riches d'une sensualité non normée. Un hymne à l'Amour.
Le recueil Black Unicorn, écrit en 1978, occupe au sein de ses écrits poétiques une place particulière. La poète apparaît sous toutes les facettes de sa féminité, comme fille, mère, amante, poète, militante.
Ces poèmes d'amour évoquent l'apogée d'un désir, empreint de rage et d'une sensualité que la prise de conscience aigüe des discriminations subies ne parviendra pas à brider. À la fois charnels et érotiques, ces poèmes renouent avec une spiritualité ancestrale.
On avait toujours dit que les astres étaient fixés sur une voûte de cristal pour qu'ils ne puissent pas tomber.
Maintenant nous avons pris courage et nous les laissons en suspens dans l'espace, sans soutien, et ils gagnent le large comme nos bateaux, sans soutien, au grand large. et la terre roule joyeusement autour du soleil, et les poissonnières, les marchands, les princes, les cardinaux et même le pape roulent avec elle.
Dans ce poème épique urbain, des vies modernes désenchantées sont revisitées par les mythes anciens et les dieux antiques. Kate Tempest célèbre l'humain trop humain des supermarchés, des rues, des bars et des open-space, entre poésie, rap et « spoken word ». Pour «Les nouveaux anciens», la rapeuse-poète a reçu en 2013 le prestigieux Prix de poésie Ted Hughes.
Traduit de l'anglais par D' De Kabal et Louise Bartlett.
Ce texte est un sténogramme sur la maladie de la mort, une maladie qu'apparemment rien ne pouvait arrêter. Il témoigne de toute la force de son auteur, qu'elle soit dramatique ou poétique. Il est empreint d'un désespoir abyssal mais l'auteur nous en parle avec une telle véracité et, en même temps, avec une telle pureté que le texte s'apparente à une prière.
Les chansons sont des compositions originales de Kate Tempest et Dan Carey, sur des paroles de Kate Tempest.
La présente édition propose les partitions originales des musiques de la pièce.
Cette pièce musicale se déroule entre les murs d'une prison pour femmes.
Chess chante dans sa cellule et agace les autres détenues. Quand Serena, sa codétenue et âme soeur, apprend sa mise en liberté conditionnelle, les deux femmes sont dévastées. Face à sa solitude, Chess se remémore sa vie, son crime, sa fille, sa blessure. Elle se met à composer sur une boîte Février 2020 - 07/02/2020 - 96 pages - 11,6 cm x 18,7 cm - 13 € ISBN : 978-2-85181-966-6 à rythmes apportée par Silver, une productrice au passé sombre, qui anime des ateliers en prison. Chess compose des chansons pour dompter son passé, sans penser qu'il puisse la rattraper un jour...
Cette partition aux échanges acérés, en équilibre entre drame et comédie, rappelle l'atmosphère de la série « Orange Is The New Black », diffusée entre 2013 et 2019 sur Netflix.
C'est la fin de l'été. L'été des 16 ans. Flavien rappelle Clément, mais son téléphone sonne dans le vide. Pourquoi ne décroche-t-il pas ? Seule, sa soeur Josefina sait le faire apparaître en écoutant sa musique sur son téléphone avec le renard des neiges. Et elle voit dans sa chambre les lucioles briller, promesse d'un lendemain apaisé. Reste au garage un scooter bon pour la casse, et un forfait de portable à résilier. Que faire des souvenirs trop pesants ? Entre jour et nuit, rêve et réalité, Christophe Pellet ouvre un espace poétique où la disparition n'est jamais définitive. Accompagnée des dessins de Mirion Malle, cette fable onirique enlace avec tendresse le chagrin et raconte ce qui nous rattache aux absents, en acceptant de les laisser partir.
Philippe et Vincent ferment leur vidéoclub, après vingt- sept ans passés au milieu des films. Une bobine teintée de nostalgie et de passion. C'était avant Netflix, avant Amazon, avant le streaming. C'étaient eux, les Mohicans : un veuf, un divorcé, engloutis sous les VHS et les DVD. Ils décident de partir vivre à la campagne. Pour renommer le monde, échapper au temps, se réinventer, entre souvenirs tenaces et espoirs inouïs. Une maison hantée dans le Vercors, où le fantôme d'Orson Welles n'est jamais loin. Dotés d'un humour à toute épreuve, ces cinéphiles invétérés cultivent leur jardin, jusqu'au matin de l'horreur... Hommage sensible au cinéma, entre lancinement tragique et salves comiques, Lazzi évoque un monde en liquidation, en attente d'un futur sensé.
Au début un rêve : fabriquer une marionnette qui saurait danser, faire de l'escrime et exécuter des sauts périlleux.
Et puis la surprise : le pantin, à peine ébauché, commence à avoir sa propre vie. Pire, après les premiers pas, un peu boiteux, il prend la porte et disparaît. Gepetto, son créateur, se met à sa poursuite et s'aperçoit que Pinocchio, malgré ses traits humains, n'est pas un enfant facile à éduquer ; il finit trop souvent par succomber à la tentation et par s'écarter du droit chemin. Dès leur parution en 1878 à Florence, le succès des Aventures de Pinocchio fut grand.
Les nombreuses rééditions encore aujourd'hui en témoignent. Mais curieusement, il n'y a, parmi toutes les éditions disponibles en France, aucune adaptation théâtrale. Et pourtant, à bien des égards, le livre appelle une version scénique. L'adaptation proposée ici a été établie par Lee Hall qui, on s'en souvient, est également le scénariste du film Billy Elliot.
La dernière période de Lars Norén est un tournant radical vers une écriture qui creuse les relations humaines jusqu'à l'os, évoquant les adieux et les souvenirs. Dans une déréliction du temps et de l'espace, les personnages deviennent écrans de projection de la mémoire. Norén, dans la lignée d'Ibsen et de Bergman, fait surgir les fantômes parmi les vivants. Solitaire, dernier texte qui rappelle Les Aveugles de Maeterlinck, nous présente dix personnages anonymes qui cherchent à comprendre pourquoi ils se retrouvent ensemble, dans ce lieu qui leur est inconnu. Plongés dans l'obscurité, presque invisibles les uns aux autres, ils évoquent leurs êtres chers, ceux qu'ils attendent, remontant le fil de la vie - voulant donner un sens à l'absurde, malgré tout.
Sous le nazisme, la peur et la misère affectaient toutes les couches de la société allemande, l'intelligentsia, la bourgeoisie, la classe ouvrière. Il y a certes le courage de la poignée de militants qui, au mépris de tous les dangers, publient une littérature illégale. Mais il y a aussi la capitulation, face à la terreur, d'une trop grande part de l'intelligentsia. C'est ce qu'a voulu montrer Brecht, d'abord à ses compatriotes exilés, autour des années 1938, en écrivant la trentaine de courtes scènes, inspirées de la réalité même, de Grand-peur et misère du IIIe Reich.
La pièce naît en 1934 de la volonté de Brecht et de Margarete Steffin, de rassembler un matériau composé de coupures de presse et de témoignages sur la vie quotidienne en Allemagne sous la dictature hitlérienne. Le titre fait allusion au roman Splendeurs et misères des courtisanes de Balzac, et inscrit donc la pièce dans une lignée de peintures naturalistes de la société allemande de l'avant-guerre, brossant un large tableau allant du monde ouvrier à la magistrature en passant par la petite bourgeoisie.
La création de huit scènes aura lieu en mai 1938 à Paris devant un public essentiellement composé d'émigrés. Certaines scènes seront également publiées dans des revues d'émigrés visant à alerter l'opinion publique sur la réalité de la dictature en Allemagne et signalant le danger d'une guerre imminente. On y voit tour à tour la bourgeoisie, le corps médical, la justice, les enfants, les prisonniers, etc. évoluer face au régime.
Ce n'est cependant qu'après la Seconde Guerre mondiale que la pièce rencontre son succès, car elle montre, comme le disait Brecht lui-même, " la précarité évidente du IIIe Reich, dans toutes ses ramifications, contenue uniquement par la force ".
Aujourd'hui encore, Grand-peur et misère du IIIe Reich résonne comme un avertissement contre toute forme de système absolu et reste l'un des textes clés du vingtième siècle et au-delà. C'est un manifeste qui invite à lutter contre toute forme politique basée sur la discrimination et sur la crainte.