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Farrago
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Le livre de Chloé Delaume est le récit d'une réminiscence.
Il remonte le temps afin de faire voler en éclats un passé oppressant. Sa virulence a la puissance du cri. Véritable leitmotiv du roman, la métaphore du sablier se propage, se ramifie : elle dessine la figure centrale et traumatisante d'un père " sédimentaire " et d'une " enfant du limon ". Ni pathos ni complaisance. Mais la tentative, à l'âge adulte, de répondre au questionnement d'un enfant, tentative rendue possible par une certaine douceur de l'ironie.
Tout passe par le prisme d'une langue singulière, débordante d'inventions. Le style est démesuré, tantôt lapidaire, tantôt abyssal. Les mots se bousculent, deviennent envahissants, contractant la phrase jusqu'à donner une impression de fusion. Dans ce chaos où leur nature et leur fonction se mélangent, s'inversent, ils révèlent comme un miroir le morcellement de l'identité. Le Cri du sablier est avant tout une reconquête de la langue; un plaisir inattendu jaillit de mots le plus souvent douloureux, de leur détournement, de l'épuisement du sens de chacun.
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Pour Dewey, la politique est une " expérimentation ". Les pratiques expérimentales s'appliquent aussi bien à la délimitation du privé et du public qu'à la détermination des intérêts communs, aussi bien qu'à la décision politique, aux mesures ou aux lois qui en constituent le cadre. Le public et ses problèmes en apporte la confirmation. Destiné, non pas aux gouvernants, mais à cette instance intermédiaire entre la société et le gouvernement qu'on appelle le public, son but est de restituer à celui-ci le pouvoir et les compétences que la complexification croissante des relations interhumaines, autant que la " mondialisation " des liens d'interdépendance lui ont fait perdre. Sans une reconstruction permanente du public, les instances d'identification des domaines d'intérêts communs cessent d'opérer et la démocratie cesse d'exister. Aussi l'expérimentation doit-elle toujours supplanter l'absolutisme politique et ses innombrables variantes.
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La reconstruction en philosophie, au sens que Dewey donne à ce terme, est aussi une reconstruction de la philosophie. Ecrit dans l'urgence d'une situation - aux lendemains de la Première Guerre Mondiale - que d'aucuns ont décrite comme une " crise " de la culture ou de la civilisation occidentale, ce livre procède d'un esprit qui, loin de s'en tenir aux diagnostics désenchantés qui en son parfois issus, s'attache à développer avec confiance la capacité de la philosophie à aborder réellement les problèmes du présent. A cette fin, sans en ignorer les limites ni la nécessité d'un renouvellement la reconstruction doit faire pour le développement de l'enquête dans le domaine de l'humain, et donc de l'éthique, ce que les philosophes des derniers siècles ont fait pour la promotion de l'enquête scientifique dans le domaine de la vie humaine, envisagé d'un point de vue physique et physiologique. Reconstruction en philosophie a été initialement publié en 1921. Il marque une étape importante dans l'oeuvre et dans les engagements de Dewey. De ses nombreux autres livres, il est peut-être le plus synthétique, et celui qui permet le mieux, comme le suggère Richard Rorty dans la préface qu'il a écrite pour cette édition, la place de Dewey dans le débat social et politique.
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Rothko - une absence d'image : lumiere de la couleur
Youssef Ishaghpour
- Farrago
- 3 Juin 2003
- 9782844901248
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Fables, qui se répondent de loin en loin, comme en écho, traitant avec légèreté et par touches très fines aussi bien de l'amour, de la solitude et de l'absurdité, que de Dieu aux prises avec le Verbe et des tragédies intimes ordinairement vouées à l'insignifiance et au silence. Divagations par des chemins sans but qui croisent ceux de Sterne, de Lichtenberg, de Pessoa et de beaucoup d'autres. Moralités renversées, éloges du Rien et de l'idiotie dont les contes philosophiques orientaux et de la Chine ancienne étaient familiers. Ces méditations à mi-voix, où l'allégresse surgit du drame, de la désillusion et de l'attention d'un être solitaire à " tout ce qui arrive ", sont présentées selon trois périodes ou moments successifs : I - Avant que ça commence (Bribes et filaments pour une conduite sans destination) II - Moins que rien (Ressassements sur la tentation d'insignifiance) III - Sans nouvelles (Approximations et généralités sur le sens de l'inexistence).
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" L'épée dans la main droite, le leurre dans la main gauche, le coeur bien au milieu, face aux cornes, Manolete était sur le point de liquider la situation.
Quelqu'un depuis la talanquère lui criait d'entrer vite, il entra lentement. Islero de Miura eut le temps de le voir venir. Il l'embrocha et le tint suspendu par la veine fémorale qui se rompit. Sur le sable de Linares la moitié du sang de Manolete fut perdue car dans l'affolement personne ne trouvait plus la porte de l'infirmerie. Quand le Calife recouvra la parole ce fut pour demander s'il avait obtenu l'oreille de ce Miura.
- Oui, maestro, les deux oreilles et la queue ! Pendant la nuit on tenta une transfusion mais le sang s'écoulait de la blessure, traversait le matelas et tombait goutte à goutte sur le plancher de l'infirmerie. Le Calife devient aveugle puis ne sent plus ses jambes. Son corps lentement se sépare de lui. On empêche d'entrer la femme qu'il aime par crainte de troubler son âme après la confession. Il meurt le lendemain à cinq heures du matin.
"
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Le titre de ce poème pourra surprendre. Il fait suite à une période de vacance d'écriture. Et, ouvre, peut-être une autre voie. Où ce ne sont plus les cotations plagiaires ni les langues autres qui servent de détonateurs, mais des références à des hors-textes prestigieux, dont, ici, le tissu, le corps poétique lacérés s'inventent... Joseph Julien Guglielmi
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samuel tristan est né à quinze ans en quittant pour toujours sa famille.
depuis il vit à contre-jour, aimant la nuit comme une renaissance. sous une nouvelle identité, il parcourt l'espace : sidi ifni, djerba, alexandrie, beyrouth, jérusalem, venise enfin. sur une île abandonnée, il débroussaille un sentier rongé de ronces hostiles, une façon de se retourner sur son passé, ses fuites, ses choix. dévoré d'absolu, son destin est à la hauteur du vertige noctambule qui le meut.
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Fin des années 1920 à Berlin.
Martha Wolg, une jeune veuve juive, vit dans les faubourgs, au milieu des jardins ouvriers et des lotissements tristes. Un soir, sa fille de cinq ans, Ursa, a disparu. Après une nuit d'angoisse, la mère retrouve le corps inanimé de la fillette dans un terrain vague : l'enfant a été violée. Quelques jours plus tard, à l'hôpital, incapable de supporter la vision de ce corps terrorisé et prostré, Martha empoisonne Ursa.
Puis, pour survivre aux souvenirs et surmonter l'immonde, elle va chercher à venger son enfant. Dans ce récit sobre et tragique se lit l'expérience d'une vie marquée par l'époque qui précède la Shoah. Le sacrifice humain est au coeur de l'intrigue, sacrifice qui annonce la folie meurtrière du régime nazi.
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Fait le truchement, autrement dit le porte-parole, sans traduire toutefois le grade qu'elle acquit dans le Nouveau Monde - alferez sonnant mieux à ses oreilles que porte-enseigne.
Ce qui plaît dans notre héroïne est sa réalité. Qu'elle ne soit issue d'aucune imagination virile, d'aucun Roland furieux, d'aucune Jérusalem délivrée. Shakespeare ne l'a pas mise au monde, telle Rosalinde, ni Calderon ni Marivaux ne l'ont embellie, telles Rosaura ou Silvia. Fille d'un simple capitaine et de sa pieuse épouse, tous deux natifs de Saint-Sébastien, tôt destinée à la vie religieuse, elle fut seule à décider que non.
R D.
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" S'il fallait au roman une moralité, ce pourrait être celle-ci : la révolte, la vie irrégulière, la drogue même ne sont pas moins décevantes, pour un garçon bien né, que le renoncement et le travail bourgeois.
Tout cela se ressemble, c'est à mettre dans le même sac ", dit Jean Paulhan du premier roman d'un jeune auteur (Jacques Decour a vingt ans), qu'il publie en 1930. Le Sage et le Caporal, c'est l'histoire de deux frères, deux jeunes bourgeois à la charnière de l'adolescence et de l'âge adulte, tout occupés, chacun de son côté, de trouver un sens à leur vie. L'un s'enfuit pour vivre sa vie, l'autre part pour se faire une situation.
Ils aiment, souffrent, se réfugient tour à tour, l'un et l'autre, dans la religion ou le banditisme... À défaut de se déclasser, l'aîné choisit la mort et le second se résigne à jouer le jeu social. Tout ceci est mené d'une plume alerte et changeante à travers nombre de scènes d'une drôlerie rare et pleine d'ironie.
D'un ton plus grave est le second roman : Les Pères (1936). Les pères, ce sont les aînés, tous ceux qui ont obtenu - au prix de quelles concessions ? - de vieillir, de vivre.
Le premier, père adoptif de Michel, voudrait lui laisser sa fortune que celui-ci refuse ; le deuxième lui apprendra à éveiller en lui, au-delà des débats de conscience, le " démon qui décide juste " ; le troisième enfin, père adopté par Michel, lui fait découvrir un moyen de se tolérer soi-même : savoir " se relier " aux autres hommes.
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Une femme veut apposer au monde sa grille de lecture.
Mais le monologue qu'elle engage s'infléchit des paroles courantes, des voix des maîtres, des amants, des livres qui le tissent et dont il est l'écho. Il ne rencontre pourtant aucune réponse à son interrogation lancinante de nos idéaux, de nos peurs, de nos ratés, sinon la découverte des impasses de l'amour. Expérience de soi-même sur soi-même donc, que ce parcours ironique d'une candide dans la folie contemporaine, au terme de quoi rien n'est révélé que l'urgence du désir.
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Le lançage ou la diffusion annuels de la lecture, jadis l'hiver, avance maintenant jusqu'au seuil d'été: comme la vitre qui mettait, sur l'acquisition, un froid, a cessé; et l'édition en plein air crève ses ballots vers la main pour le lointain gantée, de l'acheteuse prompte à choisir une brochure, afin de la placer entre ses yeux et la mer...
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Réunit cinq études consacrées à Stéphane Mallarmé, Pierre Reverdy, René Char, André du Bouchet, Jacques Dupin et deux études sur la traduction littéraire.
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Poème inédit daté de 1945.
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Aggravation, parce que tel est le double projet de ce livre : celui de rendre mieux visible l'état de dégradation continuée des conditions faites à l'existence commune; celui également d'en perturber le cours en rendant plus incertain et plus contrarié l'assentiment aveugle qui partout le permet.
Que la face cachée de ce qui se montre soit aujourd'hui la chose la moins supportée, cela méritait qu'on s'emploie à l'aggraver. C'est assez dire qu'on ne trouvera pas ici de quoi ajouter à cette forme d'apathie consentante, de résignation euphorisée, qui se présente volontiers comme un progrès de civilisation et dont la généralisation assure l'actuel succès des formes les plus grossièrement cyniques du pouvoir et l'abandon de tous à la férocité sans limites de la loi du marché.
On y trouvera au contraire de quoi entamer la volonté d'innocence et d'ignorance mêlées qui accompagnent cet abandon : par le tracé de ses plus accablantes perspectives, par le relevé de son inavouable contrepartie, par le retournement de ses valeurs proclamées. Et cela, sans autre motif que celui de donner en partage, face à la vanité de ce pitoyable triomphe, le goût d'un écart inconciliable, d'un rire déplacé.
J.-P C.
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Rauschenberg - le monde comme images de reproduction
Youssef Ishaghpour
- Farrago
- 3 Juin 2003
- 9782844901231