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Belles Lettres
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Tragédie du retour du prince désireux de prendre possession de son héritage, tragédie de la vengeance et du châtiment, l'Électre de Sophocle est aussi une tragédie de la philia, où les liens familiaux sont constamment remis en question, détruits, recréés, où des enfants tuent leur mère. Pour attendu qu'il soit, cet aboutissement suscite émotions et questionnements sur son caractère juste, acceptable, dans une tragédie d'où les Érinyes sont absentes, où les dieux, s'ils sont bien présents dans les prières des personnages, laissent ces derniers forger seuls leur destin.
Le commentaire littéraire qui accompagne cette édition bilingue propose de démonter les mécanismes du dispositif tragique construit autour d'une héroïne dont l'action est circonscrite à sa souffrance et à sa parole. Avec Électre, le poète explore les possibilités qu'offrent les tensions de la parole théâtrale et redéfinit les notions d'action et d'héroïsme.
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Le présent volume rassemble une édition du texte grec, une traduction et un commentaire linéaire de l'Ion de Platon. Ce dialogue est un document inestimable sur la pratique des anciens rhapsodes, qui allaient de cité en cité déclamant les grandes oeuvres épiques et se présentaient à des concours où ils étaient honorées de prix fastueux. Nous avons peu de traces anciennes pour nous approcher de ces moments particulièrement prisés de la vie des cités grecques de l'Antiquité. Le jeune Platon nous offre pourtant une fenêtre sur ce phénomène en décrivant la rencontre, peut-être fictive, entre Socrate et Ion, un rhapsode spécialisé dans la récitation d'Homère, et couronné de succès. C'est l'occasion de voir naître l'enquête platonicienne comme une philosophie des pratiques, attentive à tous les traits de l'activité du rhapsode et curieuse de comprendre ce qu'un tel homme devrait savoir pour dire et faire ce qu'il dit et ce qu'il fait. La méthode est riche : elle consiste à proposer à un praticien différentes représentations de son activité qui permettraient d'étayer le type de savoir qu'elle suppose.
Même si Ion échoue à se reconnaître tout à fait dans chacun des miroirs qui lui sont tendus, le dialogue nous offre, à chaque pas, de précieuses informations sur la façon dont on percevait l'art du rhapsode au début du IVe siècle avant J.- C., à l'heure où les concours musicaux réjouissaient encore les Anciens.
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Les Bucoliques de Virgile, si fameuses qu'elles soient, n'en demeurent pas moins bien souvent obscures à la lecture. À quoi tendent les chants amébées, les plaintes de Corydon ou celles de Gallus, l'annonce du retour de l'Âge d'or, ou l'origine du monde célébrée par Silène ? Source d'inspiration et modèle d'écriture, ce recueil, inlassablement exploré à travers les siècles n'en finit pas de susciter d'innombrables interprétations.
L'étude proposée ici, accompagnée d'une traduction nouvelle, invite le lecteur à déchiffrer, au-delà des échanges pastoraux, les enjeux poétiques et éthiques d'une oeuvre à la fois fascinante et mystérieuse, pleinement investie des préoccupations intellectuelles, politiques et culturelles de son temps.
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Après les Jeux funèbres en l'honneur de Patrocle, tué par Hector, le fils de Priam, le chant XXIV de l'Iliade s'ouvre sur les mauvais traitements infligés par Achille au corps d'Hector, qu'il a tué devant Troie. Zeus tranche le débat qui s'est élevé chez les Olympiens - c'est l'une des clés de la fin du poème : Hector n'est pas dérobé à Achille, Thétis va dire à son fils l'indignation des dieux ; celui-ci accepte de rendre le mort contre rançon. Visité par Iris, Priam part seul avec un vieux héraut au camp des Grecs, chez Achille, racheter Hector. Le voyage, guidé par Hermès, qui apparaît sous les traits d'un jeune Myrmidon, est peint comme un voyage périlleux, une catabase, et un exploit guerrier. Puis vient la rencontre de Priam et d'Achille. Les deux ennemis se rejoignent, dans la douleur et dans un regard ; la scène, célèbre pour l'émotion qu'elle suscite, est aussi un face-à-face complexe. Achille rend le mort que les dieux avaient protégé, offre une trêve. Ce sont enfin le retour à Troie, la douleur collective et les funérailles.
Le présent volume propose, avec une traduction et une introduction, un commentaire suivi du dernier chant de l'Iliade, qui est l'un des chants du poème les plus admirés depuis l'Antiquité, mais aussi un dénouement dont les difficultés sont connues ; en s'adossant à la critique, le commentaire s'attache à montrer dans la question du traitement du corps de l'ennemi vaincu l'un des fils conducteurs de l'Iliade, dans le chant XXIV une fin préparée et dans les funérailles accordées à Hector par Achille une alternative mise sur la scène épique à la colère héroïque, une gloire (kleos) redéfinie du héros guerrier. -
Voici présentés ici quatre parmi les meilleurs discours de Lysias (459/8-382 av. J.-C.), l'un des tout premiers, en talent et en réputation, parmi les dix orateurs attiques, en compagnie d'Isocrate et Démosthène. Ce choix, effectué parmi les 34 ou 35 discours dont on possède encore des vestiges étendus, entend illustrer les trois principaux aspects de l'activité de leur auteur : Lysias fut logographe (rédacteur de plaidoiries pour le compte d'autrui), mais il fut impliqué dans un important procès politique, et ne fut pas étranger au courant dit sophistique.
Le discours I (Sur le meurtre d'Ératosthène) a été rédigé par Lysias pour la défense d'Euphilètos, qui a assassiné en flagrant délit l'amant de sa femme. Le fait est avéré, mais il n'est conforme au droit que si l'accusé peut se disculper d'une accusation de complot, portée par les parents du mort. La démonstration procède essentiellement par une narration reconnue depuis longtemps comme un chef d'oeuvre du genre.
Le discours XII (Contre Ératosthène) est l'un des grands discours politiques que nous ont légués les Grecs. Composé par Lysias pour son compte personnel, c'est une violente diatribe contre Ératosthène (un personnage sans doute distinct de celui évoqué dans le discours I), l'un des Trente tyrans qui ont exercé sur Athènes, à l'issue de sa défaite contre les Spartiates en 404, une oppression à la fois brutale et inique. En tant que riche métèque, Lysias - avec sa famille - a subi de plein fouet un traitement dans lequel Jacqueline de Romilly a vu la préfiguration « de tous les cas de poursuites collectives et arbitraires qu'a pu connaître l'histoire ».
Le discours XXIV (Sur l'Invalide) met en scène un infirme, petit artisan exerçant près de l'agora, qui devait avoir la langue trop bien pendue. Lors d'une procédure d'examen, l'un de ses ennemis cherche à le priver de l'allocation qu'il touche en raison de son handicap. Mordant, spirituel, ce texte est parfois considéré comme un pur exercice de virtuosité.
Le discours XXXII (Contre Diogiton), transmis par Denys d'Halicarnasse, évoque la spoliation de jeunes orphelins par le parent chargé de gérer leur héritage. La figure de leur mère et son témoignage, invoqué indirectement, frappent par leur intelligence et leur dignité.
En traitant de front la dimension rhétorique de l'oeuvre de Lysias, le présent ouvrage s'inscrit dans un courant récent de redécouverte de cette discipline jadis méprisée ou ignorée. Par ailleurs, il entend ouvrir la lecture de ces textes sur les aspects juridiques, historiques et anthropologiques d'une pratique discursive qui est au coeur de la vie sociale et politique de l'Athènes démocratique, telle que l'on décrite les tenants de l'anthropologie structurale. Enfin, mis en perspective sur la longue durée, l'art de Lysias peut trouver sa place comme référence en matière stylistique.
Maître de la narration argumentative, de l'évidence narrative et de la reconstitution des idiolectes, Lysias est autant l'un des pères de la plaidoirie moderne que l'un des modèles du roman populaire.
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Avec le chant II de son épopée, Lucain nous plonge au coeur de la guerre civile à Rome, au premier siècle avant notre ère. Le poète traite plus particulièrement de la phase italienne du conflit, depuis l'avancée de César après la prise d'Ariminum jusqu'à la fuite de Pompée hors d'Italie, lors du siège de Brindes. Les premiers temps de la guerre civile sont l'occasion pour Lucain de présenter tous les acteurs du conflit : les deux généraux, César et Pompée, mais aussi Caton d'Utique, véritable icône de la sagesse stoïcienne, et le peuple de Rome, en proie à la panique.
Cet ouvrage présente une nouvelle édition du texte accompagnée d'une traduction inédite et d'un commentaire continu, inséré au fil du texte, qui fait apparaître la poétique originale de Lucain et les enjeux politiques et philosophiques de l'histoire.
Florian Barrière, ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de lettres classiques, est maître de conférences en langue et littérature latines à l'Université Grenoble-Alpes.
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Peristephanon, le livre des couronnes
Prudence
- Belles Lettres
- Commentario
- 3 Décembre 2021
- 9782251452531
Le Peristephanon (Livre des couronnes) de Prudence est, au début du Ve siècle, le plus ancien bréviaire lyrique consacré exclusivement aux martyrs. Mais il décrit aussi de nombreux monuments et des fêtes. Il a souvent été considéré comme un recueil composite, en raison de son baroquisme.
Le présent volume en montre l'unité et la structure. Il en définit la forme calendaire et liturgique, ainsi que l'esthétique néoalexandrine. Il en précise le contexte par une enquête historique et archéologique minutieuse. Il en offre une lecture nouvelle, politique autant que poétique et spirituelle. Il éclaire ainsi la naissance du sanctoral, mais aussi de la poésie, de l'art et de la peinture chrétienne en Occident.
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Le titre choisi, Aïas, pour cette nouvelle édition de l'Ajax de Sophocle montre son orientation : la fidélité au grec. Le héros de Sophocle rapproche explicitement son nom du cri de douleur Aïaï. Le guerrier protecteur de l'Iliade, le héros officiel d'une « tribu » de la Cité d'Athènes, est ici un soldat perdu, traumatisé, un être de douleur. Il a tué des bestiaux au lieu de ceux qu'il visait, les Atrides et Ulysse, pourtant ses compagnons d'armes à Troie, mais qui l'avaient, estime-t-il, déshonoré en lui refusant les armes divines d'Achille après la mort de celui-ci, et en les accordant à Ulysse. C'est qu'Athéna, comme elle le montre à Ulysse dans un prologue extraordinaire, l'avait rendu fou, redoublant son déshonneur. Il n'a donc plus d'autre choix que la mort, et refuse d'écouter les objurgations de sa compagne Tecmesse et du choeur de ses soldats de marine. Après avoir feint ensuite de céder (pour mieux se débarrasser d'eux), il se suicide, seul devant les spectateurs, dans une autre scène exceptionnelle. Le roi Agamemnon interdit à son demi-frère Teucros, d'abord par l'entremise de son frère Ménélas, puis en venant en personne, qu'on ensevelisse celui qui a trahi l'armée achéenne, mais Ulysse, pris de pitié devant la façon dont la déesse Athéna s'est jouée de lui, obtient non sans mal que les Atrides lui accordent les funérailles auxquelles tout homme a droit en vertu des lois divines, et Aïas plus qu'un autre, lui qui est « le meilleur guerrier après Achille » : « Je ne considère pas plus son sort que le mien. Je vois que nous ne sommes rien d'autre que des fantômes, nous tous qui sommes en vie, ou bien une ombre légère ».
Cette tragédie, l'une des plus saisissantes de Sophocle, n'a guère eu de postérité, probablement en raison des difficultés de sa mise en scène : elle permet ainsi d'appréhender le genre tragique dans son contexte historique et littéraire, sans les filtres que la tradition occidentale a imposés à d'autres tragédies plus souvent reprises. Attentive au texte grec de la pièce, avec l'explication des principales difficultés, l'édition s'efforce de rester accessible aussi au lecteur non-helléniste, qui entrera ainsi au coeur de l'analyse de la tragédie grecque.
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L'Eunuque de Térence est dans l'Antiquité la pièce la plus aimée de son auteur et sans doute l'un des plus grands succès de l'histoire du théâtre latin, avant de devenir un classique de la littérature scolaire dans l'Antiquité tardive et d'être imitée dans une version chrétienne et largement édulcorée au Moyen Âge. Typique de l'alliance entre la comédie d'intrigue et la comédie d'action, cette pièce offre une alternance constante de scènes à l'humour débridé et de moments plus « sérieux » où se dévoilent sous le masque comique des enjeux sociaux et psychologiques particulièrement fins. Souvent rapproché du théâtre de Plaute pour en souligner l'infériorité comique, le théâtre de Térence demande, pour être pleinement compris, une attention aux fils dramaturgiques complexes qui tissent les rapports entre les personnages, aux effets induits par des jeux littéraires et intertextuels mais aussi et surtout au mécanisme du spectacle lui-même. Moins immédiatement spectaculaire que le théâtre plautinien, l'oeuvre repose cependant sur l'équilibre entre parlé et chanté, entre ce qui est dit et ce qui est montré. Le commentaire que nous en donnons, appuyé sur la recherche récente sur les conditions du spectacle et l'oeuvre térentienne, propose de restituer dans la mesure du possible toutes ces dimensions dramaturgiques qui permettent de bien comprendre la comédie et d'en goûter plus pleinement le comique
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En Tauride, sur les bords de la mer Noire, Iphigénie, prêtresse d'Artémis, est sur le point de sacrifier à son insu son frère, envoyé par Apollon sur cette terre barbare pour s'y purifier de son matricide. Dans cette tragédie d'Euripide, les rites de sacrifice et de purification, représentés pourtant comme des affaires humaines, sont mis en rapport avec la figure ambiguë d'une déesse singulière, Artémis et d'un dieu « Oblique », Apollon. Dans cette pièce, le poète que Nietzsche accusait d'avoir voulu chasser Dionysos de la scène, offre une vision tragique de l'action humaine aux prises avec l'obscurité du vouloir des dieux.
L'ouvrage propose une traduction nouvelle à partir d'un texte rénové, au plus près des manuscrits. Le commentaire exploite les études des historiens et des anthropologues sur les mythes et les rites de la Grèce antique, tout en s'attachant à rendre compte de la virtuosité d'Euripide, poète dramatique soucieux du plaisir du spectateur.
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Petit manuel de la campagne électorale ; lettres à son frère Quintus
Cicéron
- Belles Lettres
- Commentario
- 9 Mars 2017
- 9782251446592
Les textes réunis ici constituent un dialogue épistolaire entre l'orateur et politicien Marcus Cicéron et son frère cadet Quintus, sur l'art et la manière de réussir en politique à la fin de la République romaine. Dans son « Petit manuel de la campagne électorale », Quintus conseille son aîné alors candidat à la plus haute charge publique, le consulat, pour l'année 63 av. J.-C. Il y révèle les enjeux et les rouages essentiels d'une campagne électorale au plus haut niveau, éclaire les pièges qui attendent le candidat et les dilemmes moraux auxquels il est confronté : peut-on séduire l'électorat sans le tromper ? peut-on combiner réussite personnelle et souci de la moralité, dans un monde politique dangereux et violent ?
À ce 'Petit manuel' répondent, en 59 av. J.-C., les deux lettres adressées par Marcus Cicéron à Quintus, alors gouverneur de la riche province d'Asie (Asie Mineure, en Turquie actuelle).
Les conseils, mais aussi les reproches de l'aîné au cadet montrent de l'intérieur, l'exercice du pouvoir impérial de Rome sur ses provinces et posent de nouveau la question de la qualité morale de l'action politique : comment Rome peut exercer le pouvoir absolu sur ses sujets, sans verser dans la tyrannie ? Comment concilier les intérêts politiques et économiques des Romains avec le respect des personnes et la préservation des communautés gouvernées par le détenteur de l'autorité impériale ? De cette réflexion, appliquée à une terre de culture grecque, émerge la conception cicéronienne de l'humanitas, une « humanité » à vocation universelle.
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« Rien n'est plus sûr que l'hymen, rien n'est vrai que la joie ;
L'amour est le vautour et nos coeurs sont la proie. »
Hugo, « Catulle », La Légende des Siècles
Féru de culture grecque et des manières alexandrines, amant passionné des registres extrêmes du langage, le jeune Catulle de Vérone fait briller d'un éclat subtil l'esprit de la « nouvelle poésie » à Rome. Explorant la rhétorique de l'éloge et du blâme, il habite le sensible, invente « sa » Lesbia, figure bien-aimée qui hante ses vers, en des procédés très proches des expériences du lyrisme moderne. La traduction nouvelle et les lectures interprétatives ici proposées visent à révéler la complexité de l'écriture catullienne, où s'entremêlent audaces poétiques et subtiles analyses des passions. Ces différents aspects sont examinés dans leur contexte et confrontés aux enjeux éthiques et esthétiques de la Rome républicaine. -
Contre Aphobos I et II ; contre Midias
Démosthène
- Belles Lettres
- Commentario
- 11 Septembre 2017
- 9782251447162
Le présent ouvrage propose une introduction à l'oeuvre et au personnage de Démosthène à travers l'étude de trois de ses discours. Les Contre Aphobos I & II sont ses toutes premières compositions, prononcées contre ses tuteurs pour recouvrer son héritage paternel quand l'orateur avait à peine dix-huit ans. En cette occasion, Démosthène dut affronter pour la première fois les menées d'un homme riche et puissant : Midias. Et c'est cette querelle que vient clore la Midienne presque vingt ans après.
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Né à Cynoscéphales en Béotie, vraisemblablement en 518 avant J.-C., Pindare est le plus important représentant de la lyrique chorale grecque. Cependant, des 17 livres qui formaient, selon les Anciens, le recueil de ses oeuvres, seuls quatre livres nous sont parvenus. Si l'on sait que le poète a écrit, entre autres, des péans, des hymnes et des dithyrambes, les textes que nous avons conservés appartiennent tous au genre de l'épinicie, ode triomphale célébrant la victoire aux jeux sportifs. Parmi eux, ceux d'Olympie sont sans nul doute les plus renommés. Les quatorze poèmes des Olympiques célèbrent les exploits de ces hommes, souvent de haute lignée, qui se distinguèrent à ces jeux dont le fondateur mythique étaient Héraclès. Cette nouvelle traduction commentée réussit le tour de force de rendre accessible les valeurs d'une société radicalement autre, et pourtant qui, par accord ou écart, peut faire réfléchir à ce que sont, ou non, pour nous, la poésie, la gloire, la fortune, ou le sport .
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En 346, Isocrate publie le Philippe, un discours ou une lettre censément destinée au roi de Macédoine Philippe II. Le moment est crucial pour Athènes et pour la Grèce centrale en général. Le Macédonien, au pouvoir depuis 359, sort grandement renforcé de la guerre qui l'a opposé à Athènes et aux Phocidiens depuis 356 et qui se clôt au début de l'été 346 par la paix de Philocrate. Pris de court par la conclusion de cette paix, Isocrate, rhéteur attaché à la grandeur et à l'hégémonie d'Athènes, s'adresse alors à Philippe pour lui conseiller de réconcilier les Grecs entre eux et de présider à une vaste expédition tournée contre les Perses. C'est là le vieux rêve d'une guerre panhellénique caressé dès le début du IVe siècle (Isocrate a composé le Panégyrique en 390-380), et qui sera réalisé, quelques années seulement après la mort d'Isocrate et dans des conditions tout autres, par le fils de Philippe, Alexandre le grand.
Le Philippe est aussi destiné aux Athéniens eux-mêmes. Isocrate souhaite affirmer son statut de penseur politique tout autant que de maître de rhétorique.
Il s'affiche comme le conseiller par excellence, celui qui saura détourner habilement le roi macédonien des affaires athéniennes en le tournant vers l'Orient, ce qui devrait l'exonérer au moins partiellement de l'accusation, largement propagée dans l'historiographie, de travailler pour Philippe et contre sa propre cité.
L'habileté rhétorique d'Isocrate est visible du début à la fin. La forme de l'éloge obligé du roi, un Héraclide, une prose au rythme savant, des échos, une composition impeccable, des gradations, illustrent tout l'art de la persuasion de ce vieux maître de 90 ans, un maître toujours soucieux de ses disciples.
Ce volume, avec son introduction à la fois historique et littéraire, sa traduction nouvelle et son commentaire suivi, souhaite redéfinir la place et la pensée du rhéteur Isocrate dans l'Athènes du troisième quart du IVe s.