" Tu crois que je veux porter tes enfants sous ma peau, les nourrir avec mon sang. te faire un fils et prendre ton nom ! Au fait, quel est ton nom ? Je ne l'ai jamais entendu, ton nom - tu n'en as même pas, probablement. Je serais "Mme la gardienne" ou "Mme Durand", chien qui portes mon collier, laquais qui as mes armes sur tes boutons ! Moi, te partager avec ma cuisinière, être la rivale de ma propre servante ! Oh ! Oh ! Oh ! Tu penses que j'ai peur et que je veux filer ! Non, maintenant, je reste, souffle le vent, tombe la foudre ! " (Mademoiselle Julie).
" Ainsi je me promène comme un bourreau et anthropophage. Quel métier d'être écrivain : d'avoir à tuer et de vendre comme un boucher. " Ces mots écrits en 1898, Strindberg (1849-1912) les a envoyés, après le divorce de sa deuxième femme, à sa fille Kerstin qui habitait alors chez sa grand-mère en Autriche. Peu importe que la fille n'ait que quatre ans et ne sache pas lire. Écrire fut pour Strindberg un acte magique : avant tout comptait l'acte lui-même. C'est par là qu'il a sauvé sa vie et s'est libéré de la peur de devenir fou. En quelque sorte, il n'y a dans son oeuvre qu'un seul personnage principal : lui-même, dans toutes ses variations, transformations, évolutions. Mais attention : talent oblige, il était parfaitement conscient, et son oeuvre le montre, qu'il faisait partie d'un monde et d'une époque auxquels il ne pouvait pas échapper.
Lorsque baal grandissait dans le sein de sa mère, déjà le ciel était très grand, calme et si pâle, et jeune et nu et formidablement étrange, et tel que baal l'aima, lorsque baal se montra.
Falk Richter est un dramaturge au coeur de son temps. Né en 1969 à Hambourg, il appartient à une génération ayant appris la méfiance envers notre civilisation. Le terme " progrès " ne coule plus si facilement. Les crises répétées, les inégalités accrues ne mettent qu'en lumière le chantier sociétal. Dans ses pièces précédentes, Richter excellait dans l'art de capter des moments cruciaux de la vie quotidienne - et surtout occidentale (au travail, à l'occasion des déplacements, lors de la communication). C'est là où se révèle le vrai caractère de notre existence.
Conçu comme un " work in progress ", My secret garden relate la confession autobiographique de l'auteur. Un Allemand de la jeune génération passe à l'introspection. S'agit-il d'un journal intime ? Ou d'une autofiction ? " Je me prends moi, dit-il, ma vie, mes pensées, mes souvenirs, comme un matériau. C'est le matériau d'où naît la fiction dramatique. La fiction et la réalité se confondent, deviennent inséparables. " Sans indulgence, il livre une vision personnelle de l'Allemagne où, à ses yeux, tout vient se heurter au passé nazi. Sur un fond de mélodie wagnérienne, Richter pointe l'invasion du capitalisme, qui se substitue à toute forme de pensée - quelle qu'elle soit. Puis, la pièce dérive vers une partition à trois, où l'auteur se subdivise pour chercher un titre à son drame et analyser son rapport au théâtre. Sans se dissimuler, il est le sujet de sa propre pièce. Ce texte, écrit pour et créé lors du Festival d'Avignon 2010, est publié à ce jour en langue française uniquement.
L'Objecteur. En 1950, la guerre froide battant son plein, un appelé, Julien, incarcéré pour s'être assis et avoir posé son fusil par terre au cours d'un exercice, n'est pas rentré de la promenade nocturne dont les taulards ont pris l'habitude puisque la hiérarchie ferme les yeux. Il n'en faut pas plus pour que la machine se détraque.
11 septembre 2001. Texte écrit dans les semaines qui ont suivi la destruction des « Twin Towers » de Manhattan. Sa composition se rapproche de celle d'un oratorio : airs, parties chorales, récitatifs. Contre le travail de l'oubli, fixer l'événement, nu dans son immédiateté, hors de tout commentaire.
Les Troyennes, d'après Euripide. Veuves et filles de héros tués au combat ou massacrés lors du sac de la ville par les Grecs vainqueurs de la guerre de Troie. Parmi elles Hécube, Cassandre, Andromaque. Devenues butin de guerre, vouées à l'esclavage, les captives sont parquées dans un baraquement, en attente de déportation.
Je vais te heurter avec ma tête jusqu'à ce que tu t'effondres ! C'est toi que je hais le plus ! Qu'est-ce qui fait, muraille, que je n'arrive pas à rencontrer cet homme ? Pourquoi est-il parti ? Pourquoi ne nous entendons-nous pas ? Nous savons parler, pourtant ! Pourquoi es-tu là, muraille ? Pourquoi suis-je ici, en bas, et l'homme de l'autre côté ?